Le CFA Omnisports d’Ile de France, premier CFA des métiers du sport créé en 1994 par le Paris Saint-Germain, est parti à la rencontre des acteurs du monde du sport (dirigeants, éducateurs, élus…) pour qu’ils nous livrent leur vision et nous partagent leur expérience.

Des entretiens inspirants et des regards croisés, sans langue de bois, par des passionnés du sport !

Suite de la saison 1 des Entretiens du CFA, avec pour le 3ème épisode, Karl OLIVE, Député de la 12ème circonscription des Yvelines.

Rapport « Faire Nation par le Sport », résultats des équipes et athlètes français, l’apprentissage… Karl Olive pose son regard d’élu sur la place du sport en France.

 

CFA OMNISPORTS : Bonjour et merci de nous faire l’honneur de répondre à notre invitation aujourd’hui. Ancien journaliste puis directeur des sports de Canal Plus et d’I Télé, vous êtes un passionné de sport, de football en particulier, toujours pratiquant assidu, notamment au sein du Variétés Club de France. Président de club de football à plusieurs reprises, vous êtes depuis 2020 représentant la FFF au sein du Conseil d’administration de la LFP. Vous êtes aujourd’hui connu du grand public comme l’ancien maire de Poissy entre 2014 et 2022, date à laquelle vous êtes élu député de la 12e circonscription des Yvelines. Vous avez été chargé de réfléchir en octobre 2021 à une meilleure articulation des actions publiques en matière d’insertion par le sport dans les quartiers, qui a donné lieu au rapport « Faire Nation par le Sport » et ses 24 préconisations. Alors, près de 2 ans après ce rapport et à l’approche des JO, où en est-on de vos préconisations et de leur mise en œuvre effective par le terrain ?

KARL OLIVE : Merci beaucoup de cette invitation. C’est un vrai plaisir partagé que de parler de sport. Ce rapport m’avait été demandé par l’ancienne Ministre de la Ville, Nadia HAY,  Jacqueline GOURAUD, qui était Ministre des Collectivités Territoriales, et Roxana MARACINEANU, qui était Ministre des Sports.

Ce rapport, c’est quoi ? « Faire Nation par le sport », c’est voir comment aujourd’hui le sport est, reste et demeure un catalyseur social. Et j’ai pris le parti, par mon expérience à la fois de sportif et de Maire de Poissy, d’aller sur le terrain. On a donc passé 3 mois sur le terrain à faire 200/250 auditions à rencontrer les acteurs de terrain. Je voulais absolument que ces préconisations émanent du terrain, reprenant le concept de Jean-Jacques Rousseau dans son Contrat Social,  « Les maisons font la ville mais les citoyens font la cité. ». Toutes ces préconisations, les 24 d’entre elles, sortent du terrain et sont validées par les gens de la Cité. Qu’en est-il ? On a des sujets comme les cours d’écoles par exemple pour qu’elles restent ouvertes après les fermetures  des écoles. On a des sujets également sur des tiers-lieux, ce qu’on appelle les tiers-lieux sportifs, d’abord avec la Fédération française de judo.

Qu’est-ce que c’est ? En pied d’immeuble, vous avez souvent les rez-de-chaussée qui sont inutilisés. Je proposais qu’ils soient utilisés justement pour permettre de faire du yoga, de la relaxation, du judo, mais aussi permettre aux jeunes demoiselles qui, souvent,  dans les quartiers populaires continuent de garder le petit frère ou la petite sœur, de pouvoir par exemple faire du handball…

 

CFA OMNISPORTS : Au sortir de la coupe du monde de rugby, et avec les JOP en point de mire à Paris, quelle est votre analyse d’ensemble des résultats récents de nos équipes et nos athlètes ?

KARL OLIVE : On a un sujet en France, c’est que je pense que nos athlètes ne sont pas suffisamment encadrés par des éducateurs qui les suivent dès leur jeune âge jusqu’en compétition, ce qui pour moi explique qu’on ait encore vraiment d’énormes progrès à faire pour la quête des médailles. On doit encore massivement investir pour que l’éducateur diplômé d’État puisse accompagner, pas simplement dans le domaine sportif, mais psychologiquement accompagner, mentalement accompagner, aussi sur l’hygiène de vie nos athlètes. Ensuite, on reste une grande nation du sport.

 

CFA OMNISPORTS : Après les JO de Tokyo, certaines voix de sportifs, basketteurs notamment, s’étaient élevées pour dénoncer la place du sport en France et notamment à l’école. Au Salon des Sports, la ministre des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques a présenté officiellement la Grande Cause Nationale dédiée pour la première fois en 2024 à l’activité physique et sportive. La place du sport est si désespérée que ça pour en faire une cause nationale ?

KARL OLIVE : Il faut dire les choses. On a les Jeux Olympiques, c’est une occasion d’insister, d’investir massivement. Je crois que la volonté du Président de la République de pouvoir ouvrir des structures sportives de proximité va dans ce sens-là. La décision de pouvoir créer ce qu’on appelle les Cités Educatives sportives comme nous l’avons fait à Poissy au collège des Grands Champs, c’est juste extraordinaire. On est sur un collège qui est en pleine QPV (en Quartier Politique de la Ville) qui a doublé ses effectifs en 3 ans, qui obtient 45 mentions au Brevet des Collèges, là où il y a une petite dizaine d’années, n’en obtenait qu’une. Et on a moins d’absentéisme. Tout ça parce que la Principale avait décidé de placer le sport au cœur de l’instruction et de filer l’image de sportif. Quand on parle d’Anfield Road, c’est le stade de Liverpool, Liverpool c’est en Angleterre et on sait placer Liverpool sur une carte, etc.

Et derrière, je le vois bien, en 2017, lorsque j’étais Maire de Poissy, je proposais avec mes collègues élus, deux heures de sport aux agents dans le cadre du temps de travail. Je connais les vertus du sport, mens sana in corpore sano, un esprit sain dans un corps sain. Mais le fait de permettre aux agents dans le cadre du temps de travail de pratiquer a eu un résultat que j’imaginais à la seconde où on l’a proposé. C’est à dire qu’en moins d’un an, on a l’amélioration des conditions de travail et on a une mixité sociale qui est aussi transversale. Or quand vous faites de la marche nordique ou de la nage avec palmes, il n’y a pas de catégorie A, il n’y a pas de catégorie B, il n’y a pas de catégorie C.

Toutes les femmes peuvent ne penser qu’à cela, parce qu’encore aujourd’hui, même si ça change, c’est vrai que la maman continue de faire les devoirs aux enfants, continue de faire la cuisine quand elle rentre à la maison, etc. Amélioration des conditions de travail et baisse de l’absentéisme : il y avait 20 jours par an et par agent d’absentéisme en 2014. A l’heure où nous parlons, on est à 16,5 jours, c’est considérable ! C’est quasiment 2 millions d’euros d’économie, ce qui permettait d’investir pour améliorer les conditions de travail avec de nouveaux sièges, de nouvelles lampes, du matériel ergonomique, etc.

Le sport a grandement facilité ma gestion au quotidien. Evidemment, j’aimerais qu’on aille encore plus loin, à l’image de ce que proposent nos amis allemands. C’est à dire que le matin soit consacré aux devoirs et l’après-midi à une activité sportive quelle qu’elle soit ou l’inverse. On a encore du chemin, mais je trouve que ce qui est proposé va dans le sens de la place du sport dans notre société.

 

CFA OMNISPORTS : Pour aller plus loin, fort de votre expérience et de toutes les auditions et rencontres effectuées dans le cadre de votre rapport, quelles seraient alors vos préconisations/idées (école, clubs, structures haut niveau,  élus…) pour répondre aux enjeux sociétaux de santé et parallèlement faire émerger et accompagner les talents pour le renouvellement de l’élite ?

KARL OLIVE : Je crois que pour être champion à 25 ans, ce n’est pas en un claquement de doigts. Il y a beaucoup de travail en amont. C’est le travail qui entraîne le talent, le talent entraîne la chance et la réussite. Il n’y a pas de hasard. Et pour cela, il faut se donner les moyens de ses ambitions, donc créer un écosystème autour de l’individu ou du club pour lui permettre de progresser. Et encore une fois, quand on parle du catalyseur social transversal,  le sport, c’est le sport santé, je viens de donner des exemples ; c’est le sport famille : aujourd’hui quand on installe des outils de proximité, vous pouvez y aller avec les enfants, il n’y aucune difficulté ; c’est le sport en compétition, CQFD, pour être les meilleurs ; et c’est également le sport emploi : le sport débouche sur de l’emploi, peut-être via l’apprentissage ; c’est le sport citoyenneté, le sport c’est le respect aussi des règles. A la minute où vous jouez au football, au rugby, au basket, au handball, au badminton, vous êtes concernés par les règles du jeu. Donc, soit vous appliquez les règles, soit vous êtes en dehors du jeu. Et quand vous êtes en dehors du jeu, quelque part, il y a une sanction.

 

CFA OMNISPORTS : Le Président de la République a annoncé la création de 1000 postes d’éducateurs socio-sportifs et la mise en place d’un statut dans son plan d’insertion professionnelle par le sport.  Je sais votre attachement à l’apprentissage, nous sommes un CFA, le premier historiquement dans les métiers du sport, aussi quel est  votre avis sur l’apprentissage comme voie d’accès aux métiers du sport et comment le rendre plus attractif ?

KARL OLIVE : D’abord, c’est exceptionnel, le CFA Omnisports à Saint-Germain, c’est quelque chose d’exceptionnel, avec Thierry Morin, ancien joueur professionnel du Paris Saint-Germain, qui en était le premier directeur.

L’apprentissage, c’est un passeport pour l’emploi, ce n’est pas une voie par défaut. Et on a un vrai sujet dans cette société de culture française par rapport à ça, même si ça change. On commence à rattraper notre « retard ».  Parce qu’encore une fois, quand j’étais patron des sports de Canal+, j’ai embauché 80 jeunes entre 18 et 25 ans qui n’étaient pas formés au journalisme et qui le sont devenus par l’apprentissage, en palliant « l’absence » de diplôme par le dépassement de soi. Quand on est dans l’apprentissage, c’est de l’enthousiasme avant toute chose, ce n’est pas un engagement à mi-temps, c’est vraiment de l’enthousiasme. Et dans le sport, c’est la même chose. Quand vous êtes dans l’apprentissage, quelque part, c’est plus qu’un pied à l’étrier. Sur le terrain vous allez acquérir de l’expérience. C’est exceptionnel. Les jeunes que j’avais recrutés à Canal sont tous sur des supports nationaux et internationaux, sans exception. Et pourtant, certains s’étaient trompés de filière, avaient un bac +2  en économie, avaient été « virés » de chez eux parce qu’ils s’étaient plantés en première année de DEUG, d’autres avaient fait des études de chimie, mais ce n’était pas du tout leur truc. Ils voulaient faire du journalisme. Et derrière, du journalisme sportif. Quand on s’engage notamment dans telle ou telle activité, il y a quelque chose qui me paraît important, c’est que c’est l’actualité qui nous guide, pas l’inverse. Quand vous êtes en période de Noël, vous savez que si vous êtes apprenti en boulangerie, il va y avoir un surcroît d’activité. L’apprentissage pour moi, encore une fois, c’est le passeport pour l’emploi. D’ailleurs, on voit bien les chiffres, le taux d’employabilité, quand vous êtes apprenti, est entre 70 et 80%, c’est exceptionnel. Et encore aujourd’hui, moi qui suis Député, comme lorsque j’étais Maire, j’ai souvent pris des apprentis, pour démarrer dans le métier avec moi.

 

CFA OMNISPORTS : Pour conclure et s’ouvrir sur l’avenir, comment s’assurer d’un héritage des JO pertinent et pérenne ?

KARL OLIVE : D’abord, il faut que nous fassions « Nation par le sport ». Il faut que l’on ait une vraie concorde nationale sur le sujet, que cette concorde soit évidemment politique, mais aussi qu’elle soit citoyenne, et que l’on communique sur les solutions.

Mais quand j’entends dire que, déjà, il y a des préavis de grève pendant les Jeux Olympiques et Paralympiques, arrêtons ! Quelle image on renvoie de notre pays ! C’est pour ça que je serais partisan de faire des lois d’exception. Ce n’est pas possible. Encore une fois les Jeux olympiques, ce n’est pas simplement une finale du 100 mètres ou du 100 mètres haies. Ce n’est pas simplement ça. Il y a une économie autour, c’est un vrai bel écosystème pour l’ensemble de notre pays et la construction de logements pour accueillir, la construction de centre de médias. Il y a toute une organisation. Il y a des milliers et des milliers de bénévoles qui vont pouvoir participer.

L’héritage est très important et il se met en place actuellement quand on parle d’outils de proximité. Il faut évidemment que ça perdure. Il faut que ces outils de proximité se maintiennent. Il faut transformer le village olympique, peut-être avec un village qui deviendrait un village de logements étudiants. Et ça apparaît très important, il ne s’agit pas que ça soit simplement « one shot ». Et l’idée derrière, c’est de faire en sorte que la France, plus que jamais, continue à être une place forte du sport à la fois dans notre pays, mais aux yeux du monde.